Conférence Savoirs pour tous "Vous avez dit '3e sexe' ? La fluidité du genre en Polynésie n'est pas "hors normes"'

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Amphi A3 - Campus d'Outumaoro UPF

 

 

Présentation de la conférence

 

Les points abordés seront les suivants :


- Constatation sur l'existence, dans toutes les sociétés humaines, de quelques personnes qui ont un ressenti fondamental d'inadéquation entre l'assignation de genre donnée à la naissance par la famille/la société et ce qu'elles estiment être « réellement », et donc sur la souffrance qui en découle (« dysphorie de genre »). Parlons de « transgenres » mais uniquement par le souci d'être bref, car le mot est très ambigu.

- Mais pourquoi la littérature et la presse occidentale ont voulu croire et ont écrit que ce «phénomène» est uniquement, ou surtout, ou particulièrement « polynésien » ? Il y eut quelques rencontres ; montées en épingle par les premiers visiteurs, d' « hommes très efféminés » (Captain Bligh etc.) appelés à l'époque déjà Māhu, dans l'entourage des grands « chefs» ; puis, après 1950, il y eut un phénomène très différent de migration en ville (dès que celles-ci apparaissent) de transgenres fuyant le manque d'anonymat de la vie au village et développant des activités pour gagner leur vie (boutiques de couture, shows de danses et chants pour touristes, parfois aussi prostitution avec les visiteurs hommes). C'est alors que le mot raerae fait son apparition à Papeete). Même histoire à Samoa avec les faafafine, à Tonga avec les leiti. Mais il n'y a là rien de spécifiquement « polynésien ».

- Tout autre chose est d'observer ensuite quelle est la manière particulière dont se déploie le discours dominant et normatif, dans chaque société-culture, comment il interprète, traite, accepte et/ou rejette, ce qu'il considère trop rapidement comme « anormal », « hors-normes », et c'est là qu'une configuration effectivement particulière à la Polynésie se met en place. La mise « à part », en Polynésie, n'est pas ce qu'elle fut et est encore en France ou ailleurs en Occident. En Polynésie, jadis comme aujourd'hui, on n'a pas libellé comme « 3e sexe » ou comme « homosexualité » les boîtes où le discours dominant a placé ces personnes : plutôt des termes certes particuliers, qui certes mettent à part, mais sans en faire une anormalité de la binarité du genre (comme de dire « 3e ») ou de la sexualité (« homo »), simplement une désignation de comportement : mahu « indolence », faafafine « comme une femme », etc. 


L'anthropologue est intéressé à repérer les différences et les ressemblances entre les manières dont ce discours dominant « interprète » la présence des transgenres, selon les sociétés. C'est la seule enquête anthropologique à la fois utile et éthiquement admissible. 

 

Biographie du conférencier

 

Serge Tcherkézoff est Professeur d'anthropologie et études océanistes {EHESS : émérite; ANU honorary), et co-fondateur du CREDO (recherches océanistes : www.pacific-credo.fr).

Il a publié une douzaine d'ouvrages sur les transformations contemporaines en Polynésie dans les domaines de l'économie, de la politique et des rapports de sexe-genre et sur l'ethnohistoire des premières rencontres entre Polynésiens et Européens.

Récemment : Vous avez dit « 3e sexe » ? Les transgenres polynésiens {Papeete, Au Vent des Îles) et, avec E. Conte et G. Molle : Océaniens et Occidentaux : anthropologie historique de la violence {16e-19e siècles), Papeete, Ed. de la MSH-P. 

 

Infos pratiques 

Conférence ouverte à tous et gratuite.

Disponible en live et en replay sur la chaîne Youtube de l'UPF