Conférence Savoirs pour tous : Expression musicale, tradition et identité, d’Amérique en Polynésie : approche structuraliste et perspectives civilisationnelles
La construction identitaire s’opère au gré de facteurs multiples, notamment en lien avec les idées de transfert, d’échange, de circulation d’éléments, mais aussi d’héritage, notions particulièrement pertinentes dans le cas des peuples du Pacifique, dont l’art musical, reflet de leur histoire, mêle constituants autochtones et apports exogènes. Nombreux sont les ethnomusicologues à souligner la facilité déconcertante des Polynésiens à se réapproprier les codes musicaux extérieurs pour donner naissance à des formes artistiques nouvelles. Construction protéiforme qui résulte de la transmission et de la transformation de fragments divers, sur le mode de l’hybridation ou du syncrétisme, l’identité musicale des communautés du Pacifique est l’aboutissement d’un processus résolument inscrit dans le temps, dont le passage inéluctable pose aussi la question de la préservation des formes artistiques dites « traditionnelles » et de leur essence dans un contexte perpétuellement changeant, par ailleurs marqué par l’omniprésence, dans la Polynésie contemporaine, de l’influence culturelle anglophone.
Durant l’été 2019, un groupe de kia’i, ou protecteurs, composé de kānaka ‘ōiwi (natifs de Hawaii) et de leurs alliés, ont uni leurs efforts afin de protester contre l’édification du Télescope de Trente Mètres, ou Thirty-Meter Telescope (TMT), au sommet du volcan endormi Mauna Kea, sur lîle de Hawai‘i. Mele on the Mauna se penche sur le rôle de la musique, plus particulièrement des haku mele, les compositeurs d’œuvres artistiques en langue hawaiienne, dans le cadre de ce mouvement de contestation. De nombreux musiciens se sont précipités sur les lieux pour se produire en l’honneur des kia’i mais aussi pour un auditoire mondial, par le biais de différents réseaux sociaux. À cette occasion, dans un élan créatif sans précédent, les haku mele ont élaboré des œuvres inédites, commercialisées pour la plupart et dont les recettes ont pu être reversées aux organisations qui soutenaient l’engagement des kia’i, notamment en les approvisionnant.
Biographie des conférenciers
Florent Atem est Maître de conférences à l’université de la Polynésie française, où il enseigne la civilisation américaine et la linguistique anglaise. Agrégé d’anglais et lauréat du Prix de thèse 2016 d’Aix-Marseille Université, il est spécialiste de l’expédition Lewis et Clark ainsi que de la jeune république nord-américaine. Co-auteur d’une étude comparative du tahitien, du français et de l’anglais, il s’intéresse aussi aux rapports entre tradition musicale, histoire et identité chez les peuples d’Amérique du Nord et du Pacifique.
Keola Donaghy est enseignant-chercheur à l’université de Hawai‘i - campus de Maui, où il coordonne le programme de musicologie. Titulaire d’un doctorat (PhD) d’études musicales de l’université de Dunedin, en Nouvelle-Zélande, il dirige aussi l’Institut de musique hawaiienne, à Maui. Ses recherches portent sur la place et le rôle de la musique au sein de la culture et de l’histoire hawaiiennes, notamment dans le cadre de mouvements de résistance autochtones.
Références bibliographiques du conférencier
Atem F. (2010). « Rap et hip hop », « Rock », Dictionnaire des États-Unis. Daniel Royot (éd.), Paris : Larousse.
Atem F. (2019). « Chant – Hīmene », « Musique », « Ukulele », Les us et coutumes mā’ohi en quelques mots. Antoine Leca, Vāhi Sylvia Tuheiava-Richaud (éds.), Mahina : Association / Tā’atira’a Parau.
Atem F. (2022). « Syncrétisme musical à Tahiti et à Hawai’i : du fragment artistique au ferment identitaire, entre tradition et modernité », Bulletin de la Société des études océaniennes, n° 357 (mai/août 2022), pp. 6-28.
Donaghy K. (2024). Mele on the mauna : perpetuating genealogies of Hawaiian musical activism on Maunakea. Bloomington : Indiana University Press.