Soutenance de thèse en doctorat de l’École Doctorale du Pacifique de Sébastien LONGO intitulée "Ciguatéra : Effets du pH et de la disponibilité en azote sur la croissance et la production de toxines chez Gambierdiscus polynesiensis", jeudi 6 mai 2021 à 7h30 (heure de Tahiti) en salle de réunion de l'INSPE et en direct sur la chaîne Youtube de l'UPF.
- Département : Sciences
- Domaine : Biologie des organismes (CNU n°68)
- Spécialité : Biotoxines marines
Résumé de la thèse
L’intoxication de type ciguatéra représente la première intoxication non bactérienne liée à la consommation de produits de la mer dans le monde. Elle résulte de la consommation de poissons et invertébrés marins contaminés par des ciguatoxines (CTX), des métabolites toxiques produits par la micro-algue Gambierdiscus.
Autrefois limitée aux zones tropicales et intertropicales, on assiste depuis peu à une extension de la ciguatéra vers les régions tempérées du globe, probablement en raison des modifications drastiques observées dans les écosystèmes insulaires en réponse au changement climatique. Présente dans toute la région Pacifique, Gambierdiscus polynesiensis est l’espèce de Gambierdiscus la plus toxique décrite à ce jour et est considérée comme un biomarqueur du risque ciguatérique dans les programmes de surveillance menés en Polynésie française.
Dans un contexte de changement global, cette thèse avait pour objectif de caractériser l’impact de certains forçages environnementaux, tels que l’acidification ou l’eutrophisation des milieux, sur le risque sanitaire associé à la prolifération de G. polynesiensis dans les environnements lagonaires polynésiens.
Dans un premier temps, les performances de trois méthodes de détection des CTX ont été évaluées: le test interaction ligand-récepteur fluorescent (RBA-F), le test de cytotoxicité sur neuroblastomes de souris (CBA-N2a), et la chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse en tandem (LC-MS/MS). Nos résultats ont permis de souligner la pertinence de combiner l’utilisation du CBA-N2a avec celle de la LC-MS/MS qui complète la forte sensibilité du CBA-N2a avec sa haute spécificité, permettant de détecter ou quantifier chaque congénère connu de CTX présent dans les extraits de Gambierdiscus.
Dans un second temps, l’analyse toxicologique de quatre clones de G. polynesiensis, isolés d’archipels différents en Polynésie française, a permis de confirmer l’existence d’une variabilité intraspécifique et d’actualiser les connaissances sur leur profil toxinique. L’identification de quatre analogues supplémentaires de CTX et la détection de gambiérone et 44-méthyl-gambiérone constituent des données inédites.
Enfin, l’étude de l’effet de plusieurs paramètres du milieu parmi les plus représentatifs du changement global (i.e., pH du milieu et source/disponibilité en azote) sur la croissance et la toxicité de G. polynesiensis a montré qu’en dépit d’une croissance ralentie, l’application de conditions de culture mimant une acidification et eutrophisation du milieu conduit non seulement à une augmentation de la toxicité globale, mais également à une diversification du profil toxinique.
Ces travaux ouvrent des perspectives intéressantes quant au suivi du risque ciguatérique à l'échelle de la Polynésie Française et à la possibilité de produire « à façon » certains standards de ciguatoxines à forte valeur ajoutée, des matériels indispensables à la mise en place de stratégies communes dans les programmes de lutte contre la ciguatéra au sein des pays les plus vulnérables face à cette intoxication aux graves conséquences sanitaires et socio-économiques.
Abstract
Ciguatera poisoning (CP) is the most prevalent phycotoxin-related seafood poisoning across the globe. It results from the consumption of fish and marine invertebrates contaminated with ciguatoxins (CTX), which are toxic metabolites produced by the microalgae Gambierdiscus. Originally limited to tropical and sub-tropical areas, CP is now extending to more temperate regions worldwide, a likely consequence of the drastic modifications experienced by island ecosystems as a result of global change. Gambierdiscus polynesiensis, a species reported only from to the Pacific Ocean so far, is the most potent Gambierdiscus species described to date. It is therefore regarded as a biomarker of ciguateric risk in monitoring programs currently conducted in French Polynesia.
In the context of global change, this thesis aimed at assessing the potential influence of environmental drivers (i.e., ocean acidification and eutrophication) on the health risk associated with G. polynesiensis proliferation in French Polynesian lagoons.
First, the performance of three CTX detection methods, namely the mouse neuroblastoma cell-based assay (CBA-N2a), the fluorescent receptor-binding assay (RBA-F) and the liquid chromatography-tandem mass spectrometry (LC-MS/MS) was compared. Our results outlined the relevance of an approach that combines the use of both CBA-N2a and LC-MS/MS, as this latter method is able to complete the high sensitivity of CBA-N2a and to identify each characterized CTX congener present in Gambierdiscus extracts.
Second, the toxicological analyses conducted on four G. polynesiensis clones isolated from different archipelagoes in French Polynesia, confirmed the existence of intraspecific variation and allow updating current toxin profile data. The identification of four additional CTX analogs and the detection of gambierone and 44-methyl-gambierone constitute a novel finding.
Finally, the effects of pH and nitrogen source/availability in the culture medium on G. polynesiensis’ growth and toxin production were examined. Under low pH conditions and/or supply of urea as the nitrogen source, a lower growth rate was observed. Conversely, an increase of the overall toxicity and a diversification of the toxin profile were evidenced.
More widely, this work opens interesting research avenues with regards to the understanding of CP risk in French Polynesia and to the targeted production of high value-added CTX standards. Such materials are essential for the implementation of common strategies in CP risk management programs, particularly in countries most vulnerable to the health and socio-economic impacts of CP.
Biographie de Sébastien Longo
2014 - Licence Sciences de l'environnement (Université J.F. Champollion)
2017 - Master Écosystèmes Insulaires Océaniens (Université de la Polynésie française)
Composition du jury
- Dr. Mireille CHINAIN, Directrice du laboratoire de biotoxines marines, Institut Louis Malardé, Directrice de thèse
- Dr Philipp HESS, Chargé de recherche, Laboratoire Phycotoxines, IFREMER Nantes, Co-directeur de thèse
- Pr Nabila GAERTNER-MAZOUNI, Professeure en écologie marine, UMR EIO, Université de la Polynésie française, Examinatrice
- Pr. Phila BIANCHINI, Professeure en chimie,UMR EIO, Université de la Polynésie française, Examinatrice
- Dr Thierry JAUFFRAIS, Chargé de recherche, LEAD, IFREMER Nouvelle Calédonie, Examinateur
- Dr Valérie FESSARD, Chef de l'unité de toxicologie des contaminants, ANSES Fougères, Rapporteure
- Pr Rodolphe LEMÉE, directeur du Laboratoire d'Océanologie de Villefranche, Sorbonne Université, Rapporteur
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La soutenance sera disponible en direct et en replay sur la chaîne Youtube de l'UPF.